Paris. « Au-delà du point de logique » est le titre de cette 4e exposition à la galerie Le Clézio depuis son ouverture en novembre dernier. Pierre-Yves Martinez, le commissaire, précise que cet intitulé « est tiré d’une interview de Lawrence Weiner datée de 2014 pour le Louisiana Museum of Modern Art ». Mais le point en question est aussi un point de départ et un point d’orgue. C’est d’ailleurs l’Américain (1942-2021), grande figure de l’art conceptuel, qui ouvre le parcours et occupe tout le rez-de-chaussée avec dès l’entrée un texte, qui tel un statement, propose le concept de l’ensemble avec la typographie si reconnaissable de l’artiste. Un discours de la méthode en quelque sorte qui introduit Dirty Eyes, l’un de ses rares films, projeté une seule fois au Festival de Berlin en 2011. Véritable point d’orgue, il évoque dans une mise en scène soignée un New York fantasmé, avec des morceaux de musique country de son propre groupe dont il était le chanteur, plutôt bon d’ailleurs. Entre les séquences apparaissent des lignes, des phrases, des mots également présents dans quatre très beaux grands dessins inédits caractéristiques de son travail.
Le premier étage ne présente que peu d’œuvres, six de cinq artistes. Mais elles sont rares et de très belle qualité. Elles développent et incarnent le vade-mecum de l’exposition : proposer aux spectateurs, non pas un message particulier, mais un outil de pensée, un dispositif de réflexion. Ainsi un magnifique tableau de Philippe Decrauzat (né en 1974), composé d’un dégradé de carrés gris venant s’estomper dans une monochromie blanche, répond-il à un tableau (de 1972) de François Morellet (1926-2016) avec ses maillages et ses trames de lignes noires formant des carrés. Ce dernier passe le relais aux lignes horizontales de couleurs, qui telles des vagues structurent une gouache sur papier de Sol LeWitt (1928-2007) de 2003. Elle-même dialogue avec les deux photographies digitales lenticulaires sur Dibond de Charles de Meaux (né en 1967) qui naissent et se modifient en fonction du déplacement du spectateur. Réalisées spécialement pour l’exposition, elles sont une déclinaison de l’importante œuvre vidéo Bestiaire que l’artiste a produite pour le tunnel du métro de Rennes en 2023. Elles évoquent aussi bien l’art pariétal que la figure de l’animal dans l’histoire de l’art, l’une évoquant une chouette, qui se transforme en colombe puis en biche, et la seconde, le passage d’un coq à un chien qui se révèle et évolue selon la position de celui qui les regarde. Leurs jeux de trames, de lignes, de transparences répondent de belle manière à celles, en fin de parcours, d’un tableau-relief atypique de Keith Sonnier (1941-2020), Veiled File 1 (1968).
De 15 000 euros pour chacune des œuvres de Charles de Meaux à 320 000 pour l’ensemble des pièces de Lawrence Weiner que la galerie souhaiterait ne pas séparer, les prix sont normaux. Et même s’ils sont élevés pour ce dernier, il ne faut pas oublier sa dimension historique.