“Le problème, c'est qu'un artiste prend chaque jour le risque
de devenir fou parce qu'il se retrouve dans des situations
qui vont au-delà du point de logique de la compréhension.
[...]
Si vous pouvez placer une pierre et un morceau de boiset réussissez à les mettre en relation avec le flux de la vie,
il y a là un espace que chacun peut utiliser pour trouver
sa propre relation au monde et sa place au soleil.”
— Interview de Lawrence Weiner par Jesper Bundgaard
pour le Louisiana Museum of Modern Art, 2014
Les artistes rassemblés dans cette exposition ont en commun une capacité à troubler nos repères, de nous inciter a remettre en question les frontières traditionnelles de la logique et perceptifs que nous utilisons pour poser des questions et comprendre le monde. À travers des formes qui semblent à la fois familières et insaisissables, ils nous poussent à réinventer notre manière de voir. Leurs œuvres, bien qu’ancrées dans la matière — acier, video, lumière, lignes, surfaces — échappent à toute définition stable. Elles sont en perpétuel mouvement, non pas physiquement, mais dans les multiples lectures d’interpretation qu’elles permettent.
C’est précisément dans cette tension entre le concret et l’indéfini que réside leur force. Elles ne nous disent pas quoi penser : elles ouvrent des brèches. Elles nous forcent à re-câbler nos circuits mentaux, à sortir de l’habitude pour passer au-delà de notre point de logique, de ’notre façons de nous relier au monde. Dans ces œuvres, l’ambiguïté n’est pas un défaut, mais un terrain fertile où germent des questions nouvelles.
Lawrence Weiner, Keith Sonnier, François Morellet, Sol LeWitt, Charles de Meaux et Philippe Decrauzat partagent cette ambition : faire vaciller nos certitudes pour faire apparaître d’autres manières d’exister et de percevoir. Leurs œuvres ne sont pas des réponses, mais des outils — philosophiques, poétiques, intellectuels — qui accompagnent et défi le regardeur dans une exploration de sa propre pensée. Par cette mise en jeu de la logique, ces artistes nous rappellent la nécessité du questionnement et du sens qui constitue un objet, un espace, une mise en situation.
Ainsi, les œuvres ne se présentent plus comme des objets à interpréter, mais comme des dispositifs de pensée : elles invitent à une relecture constante du visible, du langage et de l’espace. À travers des formes volontairement ouvertes, ces artistes, parmi les plus grands noms dans cet Art, nous engagent à reconsidérer nos repères, à reconfigurer notre compréhension du monde, et peut-être à entrevoir, comme le suggérait Weiner, une manière singulière de trouver sa place au soleil.
Pierre-Yves Martinez, commissaire d'exposition