« Alors, si mes néons vous font mal aux yeux, la batterie mal aux oreilles, les piments mal à l’estomac, l’amour mal au cœur, n’en accusez pas l’époque, retournez-vous et dormez en paix. »

Vie et débuts

Né à Cholet, Morellet est un autodidacte, n’ayant suivi aucune formation artistique académique. Après des études de russe à Paris, il retourne en 1948 à Cholet pour reprendre l’usine de jouets familiale, qui lui permet de financer librement sa création jusqu’en 1975 et d'enrichir son approche technique.

 

Un voyage décisif au Brésil au début des années 1950 l’initie à l’art concret et aux œuvres de Max Bill, l’amenant à s’orienter vers l’abstraction géométrique. À la fin des années 1950, sa découverte des « Duo-collages » de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp approfondit son approche, intégrant le hasard comme élément fondamental de son travail. Dès ses débuts, Morellet a abordé l'art sous l'angle de la structure, des systèmes et du jeu, une liberté rigoureuse empreinte d'esprit qui définit sa voix artistique unique.

 

Philosophie et méthode artistique

Rejetant toute subjectivité, Morellet fonde sa pratique sur la logique, les mathématiques et le hasard. Il utilise des systèmes préétablis – comme des suites aléatoires ou les décimales de π – pour générer ses formes. Cette démarche évoque les contraintes littéraires de l’Oulipo ou les procédés aléatoires de John Cage.

 

Il estimait que l’œuvre devait être autonome, dénuée d’émotions expressives. Pourtant, ses titres, souvent teintés d’humour et de jeux de mots, dévoilent une posture ironique et détachée. Il affirmait : « L’humour est la politesse du désespoir. »

 

Œuvres majeures

  • “Répartitions aléatoires” (années 1950) :
    Distribution aléatoire d’éléments visuels, remettant en question l’ordre classique.

  • Série des “Trames” :
    Croisements de lignes générant des effets optiques et une instabilité perceptive.

  • “Désintégrations architecturales” (à partir de 1971) :
    Intégration directe des œuvres dans l’architecture, rompant avec l’espace muséal traditionnel.

  • “Déclinaisons de π” (1998) :
    Représentation visuelle poétique des décimales infinies du nombre π.

  • “L’esprit d’escalier” (2010) :
    Installation permanente en néon dans l’escalier de l’aile Richelieu du Louvre, commande exceptionnelle pour un artiste contemporain vivant.

 

Expositions et reconnaissance

Ses œuvres ont été exposées et collectionnées internationalement :

  • Documenta (Cassel) : 1964, 1968, 1977

  • Biennale de Venise : 1970, 1990

  • Stedelijk Van Abbemuseum (Eindhoven) : exposition personnelle en 1971

  • Centre Pompidou (Paris) : rétrospectives en 1986 et 2011

  • Musée du Louvre : installation permanente en 2010

Ses œuvres figurent dans les collections du MoMA (New York), du Tate Modern (Londres), du LACMA (Los Angeles), du Centre Pompidou (Paris) et du Musée d’art de Séoul.

 

Influence et héritage

Membre fondateur du GRAV (Groupe de Recherche d’Art Visuel), Morellet combat la figure romantique de l’artiste solitaire. Il prône une approche collective, participative, dépersonnalisée de l’art.

Son travail, à la croisée du minimalisme, de l’art cinétique, du conceptuel et de l’architecture, a influencé de nombreuses générations d’artistes, notamment dans les domaines de l’installation, de l’art numérique et de l’art participatif.

 

François Morellet a su redéfinir l’abstraction en y introduisant rigueur, humour et interaction. Son œuvre, à la fois intellectuelle et accessible, continue de nourrir la création contemporaine et de défier notre rapport à l’art.

 

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